L’Entrée de la Vierge Marie au Temple de Jérusalem 

                                                                                                (21 novembre)

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Cette fête liturgique  universelle[1] commémore un évènement biblique et historique : lorsque Marie eut 3 ans, ses parents Joachim et Anne vinrent au Temple de Jérusalem pour « l’offrir à Dieu », conformément à la promesse faite  par  Anne lorsqu’un ange lui apparut pour lui annoncer que sa prière avait été exaucée, et qu’elle allait  être enceinte. Mais il ne s’agit pas d’une offrande formelle, symbolique, comme c’était le cas lorsque qu’un couple juif venait « présenter » au Temple -c’est-à-dire à Dieu- le premier-né  de ses  enfants mâles : ils le   « rachetaient » en donnant une somme d’argent, puis ils rentraient chez eux  avec l’enfant. Ici, il s’est agi d’une offrande réelle, d’un don à Dieu : le grand-prêtre reçut Marie, qui demeura dans le Temple jusque vers 12 ans. Elle demeurait dans le Temple à prier et à lire l’Ecriture, et était « nourrie par la main d’un ange »[2].

Notre unique source est un apocryphe[3], le Proto-évangile de Jacques [de Jérusalem] (avec son remaniement latin tardif appelé « Pseudo-Matthieu »), corroboré au 2ème siècle par Clément d’Alexandrie et St Justin de Philosophe. 

 C’est un évènement capital pour l’histoire du salut : pour que le Fils unique de Dieu pût s’incarner, il fallait qu’une femme fût apte et prête. Cette femme fut préparée et « tissée » par des générations de justes en Israël, depuis Abraham jusqu’à Joachim et Anne, c’est à dire pendant presque 2000 ans. Joachim et Anne offrirent à Dieu  ce qu’ils avaient de plus précieux,  leur fille Marie, obtenue miraculeusement par la prière et l’ascèse. Et Marie s’offrit elle-même librement à Dieu « sans se  retourner en arrière »[4]Le nom même de « Marie » est le signe de ce qu’elle est : c’est le décalque araméen d’une  expression égyptienne qui signifie « l’Amante de la Lumière », que l’on pourrait traduire par « l’amoureuse de Dieu ».  C’est grâce à ces justes : Abraham qui offrit son fils unique Isaac,  Joachim et Anne qui offrirent leur fille unique Marie, et Marie qui s’offrit elle-même,  que le Père céleste offrit Son Fils unique pour qu’Il S’incarne et sauve l’Homme.

 L’origine liturgique  de cette fête est semblable à celle de beaucoup de fêtes non évangéliques : elle est l’anniversaire de la dédicace de l’église Ste Marie-la-Neuve à Jérusalem  le 21 novembre 543, sous l’empereur Justinien. Puis, elle s’est répandue en Orient au 7ème siècle. Elle n’a été introduite en Occident que tardivement (toutefois l’évènement biblique lui-même était connu en Gaule au 5ème siècle[5]).

On la trouve, hélas,  souvent dans les livres liturgiques sous le nom de « Présentation de la Vierge » : c’est une erreur totale, car, dans l’Ancien Testament,  la « présentation » ne concernait que les enfants mâles, et les premiers-nés des mâles. Cela ne pourrait donc en aucune façon concerner Marie. De plus,

la Bible elle-même atteste que les parents reprenaient l’enfant après avoir donné au Temple « 5 sicles    d’argent » (Ex 11 à 13 ; Ex 34/19 ; Nb 18/15-19 ; et Lév 12)[6]. On trouve cette erreur dans de nombreux livres et calendriers  liturgiques, à toutes les époques,  tant en Orient qu’en Occident. Cela peut se

comprendre  en Occident, où l’on occulte complètement le Proto-évangile de Jacques, depuis des siècles, mais il est étrange de trouver la même erreur dans l’Orthodoxie, où l’on a toujours  fait référence au   Proto-évangile de Jacques et où les épisodes de la vie de la Vierge Marie, provenant de cet apocryphe,   sont peints sur les murs de la plupart des églises (comme, par exemple, en Grèce, où cela m’a frappé). On trouve même, en France,  des paroisses orthodoxes intitulées « de la Présentation de Marie » (ou de la Vierge Marie, ou de la Mère de Dieu)[7] !

Cette fête a été restaurée avec faste dans l’Orthodoxie de rite occidental en 1959, avec des textes sacerdotaux et des chants remarquables : on y lit le Proto-évangile de Jacques, avant l’Epître (et non comme un Evangile), ce qui est possible dans les rites occidentaux, et elle comporte une grande Bénédiction des enfants à la fin de la liturgie[8], avant la communion.  Comme elle a été systématiquement reportée au 2ème dimanche de l’Avent, les fidèles connaissent bien ces textes, qui leurs sont chers.

Que la Très sainte Vierge Marie, de 3 ans, veille sur nos enfants et nos petits-enfants !

                                                                                                                     Père Noël TANAZACQ

                                                                 (20 nov.2015 ; corr. et ajouts 18 nov. 2016, et 21nov. 2019 )


[1] « Universelle » pour toutes les Eglises « apostoliques », celles qui ont la prêtrise et les sacrements,  par une succession apostolique ininterrompue, ainsi que la Tradition, en tant que source de la foi, avec l’Ecriture, c’est à dire, par ordre d’ancienneté : L’Eglise orthodoxe, les Eglises pré-chalcédoniennes et l’Eglise catholique-romaine.

[2] Pour l’enfance et la jeunesse de Marie (jusque vers 16 ans), on peut se reporter à mon article sur « Le doute

de Joseph » in Apostolia  n°81 de décembre 2004, notamment en p. 10, ainsi que les notes 6 et 7.

[3] Apocryphes : étymologiquement « écrit dessous ». Il s’agit de textes écrits sous le nom d’un personnage célèbre (souvent un Apôtre), ce qui était un procédé classique dans l’Antiquité. Il y en a eu de très nombreux, qui ne furent pas retenus dans le Canon de l’Ecriture. Certains sont de grande valeur (comme le Proto-évangile de Jacques, grâce auquel nous connaissons la vie de la Vierge Marie et ses origines, dont l’Evangile ne dit rien) et d’autres exécrables (hérétiques ou même sacrilèges). Le proto-évangile de Jacques a eu un remaniement latin : le pseudo-évangile de Matthieu, qui, souvent, n’apporte pas grand-chose.

[4] Cela a deux sens : sans regarder vers le monde déchu, comme la femme de Lot, brûlée par le sel ; et en préférant l’amour de Dieu à l’amour humain, celui de ses parents, c’est à dire en aimant Dieu plus que tout, totalement.

[5] Ce qui signifie qu’on connaissait le Proto-évangile  de Jacques ou le Pseudo-Matthieu.

[6] Pour ce qui concerne la Présentation des premiers -nés des enfants mâles, on peut se reporter à ma note sur la Sainte Rencontre (présentation du Christ au Temple), où j’ai longuement développé cet aspect biblique.

[7] A vrai dire, il serait plus exact de dire « de la Vierge Marie » (ou de la « Très Sainte V.M. ») plutôt que « de la  Mère de Dieu », parce qu’à 3 ans, elle ne l’était pas encore.

[8] La grande Bénédiction des fidèles, à l’origine épiscopale, juste avant la communion, est une des particularités de l’ancien rite des Gaules.