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Nous entrerons mercredi soir dans le Triduum sacrum (les trois jours sacrés) qui constituent les 3 jours les plus saints de l’année liturgique. En effet, Pâques, qui est le centre de la vie liturgique et du mystère chrétien, ne peut pas se concevoir sans la mort du Seigneur (Vendredi Saint), ni Sa Passion (Jeudi et Vendredi Saints), ni la Sainte Cène (Jeudi Saint), qui est le mémorial anticipé de Sa mort et de Sa résurrection. Et la journée liturgique du Jeudi Saint commence le Mercredi Saint au soir((Les jours liturgiques sont bibliques : du soir au matin.)). N’ayant pas la possibilité de célébrer les beaux offices du début de la semaine Sainte, ce sera ce soir-là notre 1er grand office de la Semaine Sainte. Toute cette soirée sera en rite occidental (et ce sera la seule de la Semaine Sainte), avec la bénédiction de notre Métropolite ((Nous avions reçu la bénédiction de notre Métropolite Séraphin en 1993 et Mgr Joseph l’a confirmée.)), parce que ces offices sont beaux et qu’il est légitime de réserver une (petite) place pendant cette sainte semaine pour les usages liturgiques occidentaux, qui existent depuis 2000 ans et qui nous ont été transmis par nos pères. L’Eglise orthodoxe n’est pas orientale : elle est universelle, c’est-à-dire « catholique ». Il ne faut pas confondre la foi, qui s’impose à tous, et les rites, qui sont relatifs (l’esprit des rites est universel, mais leurs formes sont relatives).
Le 1er office, à 19h, sera le Sacrement de l’Onction. Le Jeudi saint est en effet le jour « des Saintes Huiles » depuis toujours, en Orient comme en Occident : huile des malades, huile des catéchumènes (pour les baptêmes qui étaient célébrés la nuit de Pâques) et Saint Chrême, consacré par tous les patriarches orthodoxes le Jeudi Saint (avec les métropolites du Synode permanent). D’ailleurs, l’Evangile final des Nocturnes qui suivront sera celui de l’onction du Christ par Marie de Béthanie. L’huile des malades que nous allons bénir et dont nous serons oints est un mélange d’huile d’olive et de vin doux naturel (avec quelques gouttes de myrrhe), en mémoire du Bon Samaritain. Cet usage très ancien vient de Constantinople((Il est attesté dans un manuscrit de Constantinople du 12e s. Au Mt Sinaï , on mélangeait à huile du vin et de l’eau.)) et du Mont Sinaï, mais il a complètement disparu en Orient. L’évêque Jean l’a restauré lorsqu’il restaura une année liturgique orthodoxe occidentale((La restauration de la Semaine Sainte et de Pâques s’est faite entre 1946 et 1948.)), dans le cadre du rite des Gaules. Le vin représente l’économie du Fils et l’huile celle de l’Esprit, qui sont les deux mains du Père (St Irénée). Les textes sont pour la plupart occidentaux, mais les 3 Evangiles et les collectes qui suivent ont été empruntés au Sacrement des Stes Huiles du rite byzantin. Le but premier de cette onction est d’arriver à suivre le Christ dans Sa Passion salutaire, d’arriver à traverser cette vallée de larmes des 3 jours saints sans désespérer. Juste avant l’onction, le prêtre donne l’absolution générale à tout le peuple agenouillé devant les portes royales, avec l’Evangile((Dans le rite byzantin, cette absolution est faite sur le malade, à la fin du sacrement des Stes Huiles.)), ouvert au hasard (et dont la péricope est lue aussitôt après).
Le 2ème office est celui des Nocturnes du Jeudi Saint, dont la forme liturgique est très particulière pendant les trois jours saints et qui sont appelés « office des ténèbres((Ces offices apparaissent au 8e s. dans les monastères, puis dans les paroisses. Au 16e s. ils seront anticipés à la veille.)) ». Il y a un chandelier à 15 branches((comme les 15 marches d’accès au parvis des prêtres (où se trouvait le sanctuaire) dans le Temple de Jérusalem, s)) allumé au centre de l’église et on va éteindre progressivement les cierges, 2 par 2, pour finalement n’en laisser qu’un qui sera caché par le célébrant derrière l’autel8 avant la prière finale ; tous se prosternent et disent 40 fois « Seigneur, aie pitié », dans l’obscurité. Puis on entend un bruit insolite (gong ou crécelle). Les ténèbres et ce bruit désagréable signifient la victoire apparente du Diable, le triomphe temporaire de Satan, qui va réussir à faire condamner et mettre à mort Jésus-Christ. Mais le prêtre va rechercher la lumière qui était cachée derrière l’autel et la présente à tout le peuple : c’est la prophétie de la Résurrection. La Lumière de la vie jaillira du tombeau du Christ.
Tous les tons de ces nocturnes sont des tons de Semaine Sainte, douloureux et tragiques. La lecture du 1er nocturne est celle des Lamentations de Jérémie, sur un ton de plainte, chaque verset étant annoncé par la modulation d’une lettre de l’alphabet hébreu selon la tradition liturgique juive : cette plainte est celle du Christ qui a été abandonné par Son peuple. C’est aussi celle de la Synagogue et la nôtre, qui pleurons nos péchés. A la fin, on se retire en silence, à la lumière de l’unique cierge restant allumé. Cet office nous permet d’expérimenter liturgiquement la mort : il nous prépare à communier à la mort du Seigneur le Vendredi Saint. Venez nombreux vous faire oindre et vivre cette expérience spirituelle.
Père Noël TANAZACQ