L’Annonciation – Fête de l’Incarnation du Verbe

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L’Annonciation  (25 mars)

Fête de l’Incarnation du Verbe

l’Eglise universelle a toujours considéré que le jour de l’annonce de l’ange Gabriel[1] à Marie était celui de la conception immaculée du Verbe de Dieu  en elle,  par le Saint-Esprit, c’est-à-dire la fête de l’Incarnation du Fils de Dieu, fête de l’Amour fou de Dieu pour l’Homme et, à travers l’Homme, pour toute Sa création. Comme le dit le beau tropaire byzantin : « …c’est le commencement de notre salut… ». Son nom grec est beau et significatif : Evangelismos (annonce de la bonne nouvelle). Le récit de cet évènement miraculeux et prodigieux, qui a changé le destin de l’humanité, et de toute la création, n’est rapporté que par St Luc, qui le tenait probablement de la Mère de Dieu elle-même (Lc 1/26-38).  C’est une des plus grandes fêtes de l’année, qui, en principe, n’est pas reportée, même lorsqu’elle tombe en Semaine Sainte[2]. Compte-tenu de sa date (fin mars), elle tombe en général en Carême, et même parfois en Semaine Sainte, mais cette  liturgie est toujours  festive ; toutefois, lorsque nous la célébrons en rite des Gaules, nous respectons la tradition liturgique  occidentale de ne plus chanter d’« Alleluia » en Carême[3].

Sa date n’a pas été toujours le 25 mars en Occident : elle a été longtemps le 18 décembre dans le rite mozarabe[4] (péninsule ibérique), le dimanche avant Noël dans le rite ambrosien (Italie du  Nord), et probablement aussi  dans le rite des Gaules (il y a une immolatio[5] de l’Annonciation pendant l’Avent dans le sacramentaire Gallicanum  vetus5 ). Le 25 mars a été choisi parce que c’était exactement 9 mois avant Noël. Mais certains auteurs anciens pensent qu’on a d’abord  fixé au 25 mars la date de la mort du Christ et de Sa conception  (c’était, en effet, une idée très répandue dans l’Eglise antique, que le Christ était venu dans le monde et  en avait été rejeté  -par la mort- le même jour, car  il y a un lien spirituel entre la naissance et la mort[6] [ la naissance étant la venue sur terre et la mort étant une naissance « au Ciel » ; en l’occurrence, pour le Christ, Sa venue  sur la Terre commence avec Sa conception]),  puis qu’on a fixé Noël au 25 décembre en fonction du 25 mars.

Célébrée probablement dès le 6ème siècle, elle est attestée partout au 7ème siècle (elle est mentionnée dans le canon 52 du concile Quinisexte [ou in trullo] de 692). L’office byzantin est particulièrement développé et riche théologiquement, notamment le Canon des Matines, écrit par St Théophane l’Hymnographe[7], qui est un long et beau dialogue entre l’Archange Gabriel et la Vierge Marie.

Lorsqu’une année liturgique de rite occidental fut restaurée dans l’Orthodoxie (entre 1944 et 1960) l’évêque Jean de Saint-Denis a eu l’heureuse idée de choisir les tropaires les plus significatifs de ce canon  et de les regrouper pour en faire l’hymne des Vêpres occidentales et  le  « trait » de la liturgie (qui remplace l’Alleluia dans les rites occidentaux pendant le Carême). Le résultat est remarquable et pédagogique,  parce qu’on peut suivre bien le dialogue entre le Séraphin et la très sainte Vierge Marie.

Il faut rappeler aussi que l’Evangile de la fête est à l’origine de la plus célèbre prière à la Mère de

Dieu, la salutation mariale[8] (« Salut Marie, pleine de grâce… »), qui est très utilisée en Occident[9]  dans

la liturgie et dans la prière personnelle (le « chapelet[10] »).

Nous célébrons en bleu et blanc, qui sont les couleurs liturgiques  des fêtes de la Mère de Dieu.

Pour ceux qui voudraient approfondir ce grand mystère, j’ai commenté longuement l’Evangile de l’Annonciation (Lc 1/24-38) dans Apostolia, n° 60, de mars 2013.

  1. Noël TANAZACQ

Recteur

 

                                                                                       (24  mars 2017 ; rev. et corr. en 2018, 2020 et 2021)                                                      

[1] On l’appelle souvent « l’Archange » Gabriel, qui est un terme générique pour désigner les hiérarchies angéliques supérieures,  mais il est en fait un Séraphin, « l’un des 7 qui se tiennent devant le Trône de Dieu » (Apo 1/4 et 8/2). Il est fêté la veille, 24 mars, en Occident et le lendemain, 26 mars, en Orient. Son nom signifie « homme fort de Dieu ». Il est mentionné deux fois par le prophète Daniel (8/16 et 9/21-27).

[2] Cela peut arriver dans le calendrier grégorien. Lorsqu’elle tombe le Jeudi St ou le Vendredi St, on la célèbre le matin (tous les grands offices de ces jours saints étant célébrés  le soir). Elle n’est reportée que le dimanche de Pâques : elle est alors célébrée le Lundi de Pâques.

[3] C’est un des éléments liturgiques caractéristiques du Carême occidental : l’alleluia  n’est plus chanté en raison de son caractère festif, et il est « redécouvert » solennellement  au début de la vigile pascale.

[4] Cela fut décidé au 10e concile de Tolède de 656, et cette fête était appelée l’ Expectatio partus (= attente de l’enfantement [de Jésus-Christ]. Une des raisons tient probablement au fait que le 25 mars tombait toujours en Carême, période sans solennités festives.

[5] L’immolatio correspond à l’anaphore byzantine. Le Missale Gallicanum Vetus est  l’un des plus anciens missels gallicans (5ème  s.).

[6] Dans certains calendriers liturgiques du 9e s., sous Louis le Pieux (successeur de Charlemagne), il est indiqué au 25 mars : « Conception de Jésus-Christ et Passion [mort] du Seigneur ». Mais, dès le règne suivant (Charles le Chauve), les martyrologes d’Adon et d’Usuard indiquent au 25 mars : « Annonciation de Marie », comme dans le Martyrologe romain.

[7] St Theophane l’Hymnographe, appelé aussi « le Marqué », ancien moine de la laure de Saint-Sabas (au Sud de Jérusalem) persécuté par les iconoclastes (il fut marqué au fer rouge au front), fut évêque de Nicée et un grand hymnographe, au 9ème s. Fêté le 11 octobre.

[8] La 1ère partie  est tirée de l’Evangile de l’Annonciation (paroles de l’ange Gabriel), et la seconde de celui de la Visitation (paroles d’Elisabeth)

[9] L’Orient préfère de beaucoup : « Il est digne en vérité… ».

[10] Le chapelet occidental qui servait à l’origine (10ème  s.), dans les monastères, à compter les psaumes,  puis les  « Pater noster», deviendra « marial »  au 12ème s. En Orient, le chapelet servira toujours à dire la prière du Nom de Jésus.