Un conte de Pâques ou lorsque la mer confesse la Résurrection du Christ

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L’évêque Jean de Saint-Denis[1] était dans sa jeunesse un adolescent orthodoxe pieux, chassé de Russie avec sa famille par les communistes et à qui Dieu avait  demandé d’être un apôtre de l’Orthodoxie en Occident, ce qu’il fit admirablement, au prix de grandes souffrances  et de calomnies qui n’ont jamais cessé.  Renonçant à lui-même  pour épouser la terre de France, son peuple et sa tradition, il y revivifia la foi orthodoxe de l’Eglise indivise et il restaura l’ancien rite des Gaules[2].  Le 11 novembre 1964, en la fête de St Martin, l’apôtre des Gaules, il fut sacré évêque par St Jean de Shanghaï et San-Francisco, dans le but de poser les fondements d’une Eglise orthodoxe occidentale.

Liturge[3] incomparable et liturgiste3 savant,  il revivifia les vieux textes gallo-romains tout en les enrichissant  d’emprunts judicieux faits au rite byzantin  et il est intéressant de mentionner, pour l’histoire qui va suivre, que son chef d’oeuvre fut la restauration de la liturgie de Pâques, où il réussit à transmettre à l’Occident le feu pascal propre à l’Orient.

Il avait, entre autres charismes, un contact facile et fréquent avec le monde invisible, qu’il s’agisse du monde angélique, des saints  ou de ce qu’on pourrait appeler « l’âme du cosmos ».

Peu de temps après une fête de Pâques, dans les années 60, son entourage l’emmena en vacances au Portugal pour y prendre un peu de repos, car il avait une mauvaise santé, due aux terribles privations qu’il avait subies en Russie pendant la guerre civile, puis en camp de prisonniers  en Allemagne, comme soldat français, pendant la 2ème guerre mondiale.

Ils allèrent se promener au bord de l’Océan atlantique, dans une sorte de « bout du monde » semblable à notre Finistère[4] et découvrirent un paysage admirable, avec un vent violent et une mer déchaînée. L’évêque Jean[5] contempla longuement la beauté de cette nature (étant artiste peintre, il avait le sens de la beauté). Puis, subitement, il se dit en lui-même : je suis là à contempler cette beauté, à en profiter, et moi je ne donne rien. Alors il cria à l’océan : Christ est ressuscité ! Et l’océan lui répondit : il y a 1200 ans qu’on ne me l’avait pas dit !

 

Père Noël TANAZACQ

(Pâques 2014)                                                                                                    Paris


(Récit rédigé d’après les souvenirs de deux témoins de la scène, qui tenaient ces choses de la bouche même de l’évêque Jean).

                                     (Pâques 2014 ; corr. et augm. le 9 mai 2014,  le 21 mars 2015 et le 2 mars 2016)

[1] Eugraph Kovalevsky, 1905-1970.

[2] La famille liturgique du rite des Gaules couvrait à peu près toute l’Europe occidentale. Il n’a été pratiqué que durant la période « catholique-orthodoxe » de l’Occident, celle de l’Eglise indivise (le 1er millénaire). Le rite des Gaules proprement dit fut interdit par Charlemagne et ses successeurs, sous la pression de Rome, et disparaît définitivement  au 9ème  s.

[3] Un  liturge est un homme qui célèbre très bien la liturgie, qui a le sens de la liturgie. Un liturgiste est un homme qui a une bonne connaissance  de la science liturgique.

[4] Au Sud de Lisbonne, dans la région de Sezimbra.

[5] C’était avant son sacre épiscopal : il était donc encore « Père Eugraph ».