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–note catéchétique et liturgique–
Le 1er dimanche de Carême est appelé aussi Dimanche du Triomphe de l’Orthodoxie : son lien avec ce dimanche est une simple occurrence historique : c’est la commémoration du rétablissement solennel des icônes et de leur vénération en 843, à Constantinople, après la très longue crise iconoclaste qui a déchiré l’Eglise d’Orient de 726 à 843, soit pendant 117 ans (avec de nombreux martyrs et d’innombrables destructions d’icônes, de fresques, de mosaïques et d’objets sacrés1). Le 7ème concile oecuménique (Nicée II en 787) avait proclamé la légitimité de la vénération des icônes (et non leur « adoration » !) et fixé les canons de l’iconographie, mais, comme cela fut souvent le cas dans l’histoire de l’Eglise, la persécution reprit peu après. Il a fallu attendre la mort de l’empereur persécuteur Théophile2 et l’accession au pouvoir de sa veuve, Théodora, pour que le patriarche Méthode de Constantinople puisse rétablir solennellement et définitivement le culte des icônes. Il en profita pour confirmer le 7ème concile œcuménique ainsi que les 6 autres, dans un concile local. D’où le nom de cette fête : triomphe de la foi orthodoxe sur les hérésies.
Le dimanche 11 mars 843, premier dimanche de Carême, une grande procession des icônes eût lieu à Constantinople entre le palais impérial et la cathédrale Ste Sophie (proches l’un de l’autre) avec le patriarche et l’impératrice. C’est pour cela que, dans les cathédrales orthodoxes, le 1er dimanche de Carême, on fait une procession avec des icônes (surtout dans les Eglises suivants les usages Grecs) et on lit le « synodikon3 » de l’Orthodoxie. Normalement, c’est un rite épiscopal, mais notre Archevêque, le Métropolite Joseph, a autorisé les prêtres à le célébrer dans les paroisses, ce que nous faisons à la fin de la liturgie.
Avec la bénédiction de notre Métropolite, nous suivons l’ordo élaboré par l’évêque Jean de Saint-Denis pour le rite des Gaules restauré (inspiré du synodikon). Le prêtre proclame d’abord le Symbole de St Athanase4 et, à la fin de chaque paragraphe, le peuple répond : « Nous confessons ». Puis le diacre (lorsqu’il y en un) énonce les principales hérésies historiques et le peuple répond à chaque mention d’hérésies : « Qu’elles soient écartées ! ». Et enfin nous chantons « Mémoire éternelle » aux principaux défenseurs de la foi orthodoxe lors des 7 conciles œcuméniques, puis Ad multos annos pour tous les patriarches5 et primats orthodoxes (mentionnés aussi nominalement pendant les commémorations solennelles, lors de la « grande entrée », ou dans les diptyques du rite occidental).
Père Noël TANAZACQ
(1) C’est la raison pour laquelle il y a très peu d’icônes datant d’avant le 9e s.
(2) Théophile (829-842) était passionné par l’art et la culture arabes [on est à la fin du califat omeyyade de Damas : le califat abbasside (Bagdad) commence en 851] : or les Arabes musulmans interdisent la représentation du visage humain, comme étant idolâtrique. Il fut l’ordonnateur de la dernière persécution iconoclaste (837-842). A sa mort, son fils Michel III n’ayant que 6 ans, c’est sa veuve, Théodora, qui assuma la régence. Le patriarche iconoclaste Jean le Grammairien, imposé par Théophile, fut déposé et remplacé par un orthodoxe, Méthode. Cette victoire définitive de l’Orthodoxie sur l’hérésie iconoclaste est à l’honneur de l’impératrice Théodora et du Patriarche Méthode (tous deux seront canonisés). Pour plus de détails, voir ma note de synthèse historique sur la crise iconoclaste.
(3) Synodikon : il s’agit d’une synthèse des travaux et décisions du 7e concile œcuménique (le terme grec pour « concile » est synodos) probablement faite par le Patriarche Méthode.
(4) Symbole appelé « Quicumque », attribué faussement à St Athanase d’Alexandrie. Il est probable qu’il vienne de la Gaule du Sud et qu’il soit du 6ème s. Attribué parfois à St Césaire d’Arles (470-543), il est plus probable qu’il soit l’œuvre de St Faust de Riez (405-485/90), ancien moine de Lérins, grand défenseur de la théologie trinitaire orthodoxe et de la synergie, contre les thèses d’Augustin (soutenues par St Césaire) qu’il combattit. Le texte d’origine, en grec comme en latin, ne comporte pas le Filioque, qui a été ajouté ultérieurement par les théologiens catholiques-romains.
(5) Les patriarches et primats des Eglise autocéphales sont nommés dans leur ordre de préséance canonique, établi par les conciles. Pour les primats des Eglises autonomes, il n’y a pas d’ordre canonique défini.
(1ère éd. en 2012 ; corr. et ajouts en 2013, 2014,2015, 2016,2018, 2019, 2020 et 2021)