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L’expression « temps pascal » est occidentale. En Orient on nomme souvent les périodes liturgiques par les livres liturgiques qui les concernent (ici, en l’occurrence, « le Pentecostaire[1]En fait, le livre appelé « Triode » est le triode de Carême (qui comprend aussi le pré-carême), tandis que le triode pascal s’appelle « Triode fleuri », au cours duquel on utilise le livre du Pentecostaire (qui va de la nuit pascale jusqu’à l’octave de la pentecôte). », comme on dit « le Triode1 » pour le Carême), mais le livre utilisé ne définit pas vraiment le temps concerné.
Le temps pascal concerne les 40 jours où le Christ ressuscité a vécu avec Ses disciples et les a instruits, selon les Actes de Apôtres, des mystères du Royaume de Dieu. Selon la Tradition, c’est durant cette période que le Seigneur a initié Ses Apôtres à la vie liturgique et aux sacrements. Pendant 40 jours, ils L’ont vu, écouté, questionné, touché, dans Sa nature humaine déifiée, avec Son corps glorieux. Ces 40 jours font pendant aux 40 jours de jeûne du Christ dans le désert (à quoi correspond notre Carême) et constituent une sorte de consolation terrestre et spirituelle, la joie de la victoire sur la mort, le péché et Satan (40 jours de combat et de souffrance / 40 jours de paix et de joie), mais sa signification profonde est par rapport à l’Ascension : ce sont 40 jours de préparation du Seigneur à Son départ définitif de cette terre, et 40 jours de préparation de Ses disciples à leur mission universelle.
En fait il s’agit des 40 jours de « feu », de lumière et de joie, de la Pâque du Seigneur, qui sont universels, mais qui sont surtout manifestes dans l’Orthodoxie. Ces 40 jours vont des vigiles de Pâques aux vigiles de l’Ascension, non incluses. Il y a beaucoup d’usages spécifiques pendant cette quarantaine de bonheur :
– On ne dit plus la prière à l’Esprit-Saint (« Roi céleste… ») parce que nous sommes en attente de Sa descente, à la Pentecôte. Cette prière est remplacée par le tropaire pascal (« Christ est ressuscité des morts… ») chanté ou dit 3 fois (ou, à défaut, une fois).
– On ne se dit plus « bonjour » mais « Christ est ressuscité ! » (et l’on répond : « En vérité, Il est ressuscité ! ») et, autant qu’il soit possible, on ne se donne plus une simple accolade, mais on s’embrasse 3 fois (lors du Baiser de paix, par exemple)
– De nombreux chants et prières de l’ordinaire de la liturgie sont remplacés par le tropaire pascal et par la salutation mariale pascale (« L’ange chanta… »)
– On célèbre exclusivement en vêtements blancs (blancs sans aucune autre couleur). Je pense que cette tradition est liée au baptême, qui constituait le début des solennités pascales[2]De même que le prologue de St Jean, qui est un évangile baptismal, et qui, actuellement, est lu pendant la liturgie de Pâques, alors que l’évangile de la résurrection (selon St Matthieu) est lu lors de la liturgie selon St Basile, célébrée actuellement le samedi matin, ce qui est une aberration..
Pâques est la « fête des fêtes », la « solennité des solennités » : c’est l’anticipation du Royaume de Dieu, le trésor de l’Orthodoxie. Lorsqu’une année liturgique occidentale fut restaurée au sein de l’Orthodoxie, à partir de 1945, l’évêque Jean, voulant transmettre le feu pascal à l’Occident, qui en était un peu déficient depuis un millénaire, accentua volontairement le caractère pascal de cette période[3]L’antique Eglise des gaules avait des textes magnifiques pour célébrer la Pâque (et notamment l’Exultet, qui est un des chefs-d’oeuvre liturgiques universels, et qui est certainement gallo-romain) et de très beaux rites (le feu nouveau, le trident pascal et le cierge pascal, qui passèrent ensuite dans le rite romain). Mais durant le 2ème millénaire, l’Occident, influencé par l’esprit scolastique, mit beaucoup plus l’accent sur la Semaine Sainte et les souffrances du Christ ...continue, dans un but pédagogique. Nous avons donc conservé certains usages, qui proviennent de l’Orthodoxie historique, mais qui ont été élargis dans le rite occidental :
– les portes royales restent ouvertes pendant 40 jours (c’est le symbole du tombeau ouvert et vide)[4]En ressuscitant, le christ nous rouvre la porte du Paradis. Or le sanctuaire, qui correspond au Saint des saints du Temple de Jérusalem, symbolise le Paradis, le Royaume de Dieu. De plus l’autel, qui symbolise le trône de Dieu (la Trinité), symbolise aussi le tombeau du Christ, tombeau qui contient la vie. Dans l’usage oriental, ces portes ne demeurent ouvertes que pendant la semaine pascale. [chez nous cela ne se voit pas, puisque nous n’en avons pas !]
– nous utilisons le trident pascal (ou trikyrion pascal) pendant 40 jours[5]Dans l’usage oriental, le trikyrion pascal n’est utilisé que pendant la nuit pascale. Mais, en Occident, le cierge pascal, qui est allumé solennellement avec le trident pascal durant la nuit de Pâques, brûle pendant 40 jours. C’est donc en liaison avec cet usage que nous conservons le Trident pascal, pour manifester le Christ ressuscité. (le prêtre bénit le peuple avec le trident)
– il n’y a aucun jeûne pendant 40 jours (c’est l’usage occidental).
Vous avez remarqué que, lors de la nuit pascale, nous proclamons « Christ est ressuscité », inlassablement, dans toutes les langues, parce que la Résurrection du Christ concerne toute l’humanité et même l’univers entier. A partir de dimanche prochain, je continuerai à le dire, mais dans quelques langues seulement, qui nous touchent de près, le français et le roumain, bien sûr, mais aussi le chinois, parce que nous avons une famille franco-chinoise, le slavon, le grec et l’arabe en fonction des personnes présentes.
Père Noël TANAZACQ
(mai 2014 ; corr. et augm. en avril 2015)
References
1. | ↑ | En fait, le livre appelé « Triode » est le triode de Carême (qui comprend aussi le pré-carême), tandis que le triode pascal s’appelle « Triode fleuri », au cours duquel on utilise le livre du Pentecostaire (qui va de la nuit pascale jusqu’à l’octave de la pentecôte). |
2. | ↑ | De même que le prologue de St Jean, qui est un évangile baptismal, et qui, actuellement, est lu pendant la liturgie de Pâques, alors que l’évangile de la résurrection (selon St Matthieu) est lu lors de la liturgie selon St Basile, célébrée actuellement le samedi matin, ce qui est une aberration. |
3. | ↑ | L’antique Eglise des gaules avait des textes magnifiques pour célébrer la Pâque (et notamment l’Exultet, qui est un des chefs-d’oeuvre liturgiques universels, et qui est certainement gallo-romain) et de très beaux rites (le feu nouveau, le trident pascal et le cierge pascal, qui passèrent ensuite dans le rite romain). Mais durant le 2ème millénaire, l’Occident, influencé par l’esprit scolastique, mit beaucoup plus l’accent sur la Semaine Sainte et les souffrances du Christ que sur Sa résurrection. Il était nécessaire d’enrichir les rites occidentaux de l’esprit pascal orthodoxe et des textes admirables de St Jean Damascène (dont le canon de Pâques). La restauration de la Semaine Sainte et de Pâques fut effectuée entre 1946 et 1948.Seuls des hommes pénétrés de la grande tradition liturgique byzantine, tels qu’ Eugraph et Maxime Kovalevsky, pouvaient le faire. Ces missionnaires courageux et intelligents ont transmis le feu pascal à l’Occident. |
4. | ↑ | En ressuscitant, le christ nous rouvre la porte du Paradis. Or le sanctuaire, qui correspond au Saint des saints du Temple de Jérusalem, symbolise le Paradis, le Royaume de Dieu. De plus l’autel, qui symbolise le trône de Dieu (la Trinité), symbolise aussi le tombeau du Christ, tombeau qui contient la vie. Dans l’usage oriental, ces portes ne demeurent ouvertes que pendant la semaine pascale. |
5. | ↑ | Dans l’usage oriental, le trikyrion pascal n’est utilisé que pendant la nuit pascale. Mais, en Occident, le cierge pascal, qui est allumé solennellement avec le trident pascal durant la nuit de Pâques, brûle pendant 40 jours. C’est donc en liaison avec cet usage que nous conservons le Trident pascal, pour manifester le Christ ressuscité. |