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Nous voilà enfin parvenus au terme du combat !
Hier nous avons vu « le plus beau des fils de l’Homme » accusé, traîné devant les tribunaux religieux et civils, condamné, humilié, supplicié, et finalement mis à mort comme un esclave, subissant le « tourment de la Croix ». Nous avons expérimenté le « tourbillon brûlant de la mort » avec Lui : nous sommes morts en Christ.
Le clergé juif se dit : enfin tranquilles ! Nous avons réussi à éliminer cet « imposteur » ; la religion, c’est nous ! l’Etat romain est content : le tumulte provoqué par les « Galiléens » a été réduit par la force ; tout est rentré dans l’ordre. Ponce Pilate et sa femme peuvent dormir tranquilles. Satan se frotte les mains : enfin le l’ai eu ! Ce petit rabbi de Nazareth était tout de même inquiétant avec ses miracles, dangereux pour mon pouvoir sur les hommes : je l’ai tué.
Les Apôtres se terrent dans le Cénacle, craignant de subir le même sort que leur maître. Tout semble perdu, le mal semble triompher…
Et pourtant, c’est pendant le grand sabbat divin du Samedi Saint que le Christ accomplit le salut du monde. C’est grâce à Sa mort qu’Il peut tromper Satan. Son âme humaine, unie à Sa divinité, descend dans les profondeurs ténébreuses de l’Enfer « naturellement », conformément à la loi de la nature déchue. Et une fois entré dans cette caverne de voleurs, dans ce temple du mensonge, ténébreux, laid et puant, Il casse tout : Il arrache les portes, brise les verrous, casse les chaînes, piétine la mort ; Il libère les âmes des défunts de la domination de Satan. Ce coup de pied du Seigneur dans la fourmilière enfèrique le fait rebondir((« Pâques » vient de l’hébreu « Pessah », qui veut dire « saut » : c’était le saut que faisait l’ange chargé de frapper les premiers-nés de Egyptiens, lorsqu’il passait devant une maison des Hébreux, parce qu’il était terrifié par le sang de l’agneau [préfigure de l’Agneau de Dieu] ; il sautait au-dessus de la maison et passait à la suivante : il faisait un bond.)) jusqu’au Trône de Dieu, où Il élève l’Homme (comme on le voir sut l’icône de l’ « anastasis », la Résurrection).
Dans la Tradition ancienne, il n’y avait aucun office le Samedi Saint, parce qu’on respectait le « grand sabbat divin ». La liturgie selon St Basile qui est actuellement célébrée le samedi matin n’est pas à sa place : elle était la liturgie baptismale((L’Evangile du « Prologue de Jean », qui est un Evangile baptismal et qui est lu actuellement pendant la liturgie de Pâques, était probablement à l’origine celui de la liturgie baptismale du Samedi soir. Alors que celui de l’actuelle liturgie selon St Basile du Samedi Saint, qui est réellement un Evangile pascal, était certainement celui de la liturgie nocturne de Pâques.)) qu’on célébrait le samedi soir, avant la grande veillée pascale qui durait toute la nuit et qui s’achevait par la liturgie de Pâques, au petit jour ((Contrairement aux canons en vigueur actuellement, on communiait deux fois dans la même journée liturgique (le dimanche commençant le Samedi au coucher du soleil). Les hommes d’Eglise, que l’on confond hélas avec l’Eglise elle-même, oublient souvent cette maxime, conforme à l’enseignement du christ : les canons sont faits pour l’Homme et non l’Homme pour les canons.)). C’était la même chose en Occident, avec les trois messes((La messe baptismale (appelée messe des eaux), celle de la nuit pascale et celle du jour : en fait, à l’époque antique, il n’y avait certainement que la messe baptismale et celle de la nuit, qui s’achevait à l’aurore. Celle du jour a été probablement ajoutée par économie (personnes âgées, familles avec petits enfants, malades…).)). Il faudrait qu’un jour l’Eglise orthodoxe ait l’audace de se réformer et de créer des offices liturgiques nouveaux ou plutôt d’adapter les offices anciens à la réalité de notre société (nous ne vivons plus comme au 4ème s.). En ce qui nous concerne, nous respectons le grand sabbat divin et commençons les solennités pascales le samedi soir, après le coucher du soleil (c’est donc le dimanche biblique).
Nous commencerons par relever l’Epitaphion du tombeau pour le déposer solennellement sur l’autel, signe tangible de la Résurrection du Christ. Puis le premier prêtre allumera successivement les 3 branches du trikyrion pascal (appelé « trident pascal » en Occident) à la veilleuse de l’autel, seule flamme dans une église plongée dans les ténèbres, symbole du tombeau qui contient la vie. Puis nous sortirons en silence et ferons une procession autour de l’église-tombeau du Christ (en fait dans la cour et reviendrons devant les portes de l’église fermées.
Et là, nous proclamerons la Pâque, en chantant le tropaire pascal (« Christ est ressuscité des morts, par la mort Il a vaincu la mort,… ») et en criant à l’univers entier, dans toutes les langues possibles : « Christ est ressuscité ! ». Puis nous entrerons d’un pas rapide dans l’église entièrement illuminée : le tombeau ne contient plus la mort, mais la vie, car le Christ est ressuscité.
Nous célèbrerons ensuite le plus bel office de tout le rite byzantin, les matines pascales, avec deux points forts : le canon pascal et les stichères de pâques, de St Jean Damascène (8ème siècle), qui sont un chef d’oeuvre liturgique, et le grand baiser de paix : on se donne la triple accolade pascale ; on pardonne tout aux autres parce que le Christ nous a tout pardonné : Sa résurrection nous a réconciliés avec Dieu. Nous devons donc nous comporter comme Dieu avec nos frères et leur offrir la paix.
Après ce « feu » liturgique, la liturgie de Pâques qui suit semble presque paisible…Mais le « bouquet » demeure quand même la communion, qui nous permet de communier au Christ ressuscité, l’eucharistie étant le mémorial de Sa mort et de Sa résurrection. A la fin de la liturgie, nous bénirons solennellement les oeufs de Pâques, qui symbolisent le tombeau qui contient la vie, et le doulet pascal, « la pascha », qui symbolise le « pays où coulent le lait et le miel », parce que la résurrection du Christ nous rouvre les portes du jardin d’Eden, le Paradis, le Royaume de Dieu (vous pouvez aussi apporter des oeufs à bénir pour vos familles : vous les remporterez après la cérémonie).
Après tous ces évènements liturgiques, nous nous retrouverons autour des agapes festives de Pâques, qui prolongent la joie pascale.
Ne ratez pas cela : c’est le centre du monde, le cœur de l’univers, c’est la Vie, la vraie vie. Tout le reste est secondaire.
Christ est ressuscité !
Père Noël TANAZACQ
Recteur
(4-2011 ;corr. et ajouts en 2012, 2013, 2014 et 2015)