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St Raphaël est un ange du 1er cercle angélique, c’est-à-dire un Séraphin, l’un des « sept esprits qui se
tiennent devant le trône de Dieu », comme il le dit lui-même dans le livre de Tobie (12/15) et qui est corroboré par l’Apocalypse (1/4 et 4/5). Le terme d’ « archange » utilisé pour le qualifier (comme pour Michel et Gabriel) est un terme générique, indiquant seulement qu’il est un « chef », mais qui a un sens différent du nom du 8ème cercle angélique[1] qui est identique. On qualifie aussi les Séraphins d’ « archistratèges2» (Jos 5/14, pour St Michel) ce qui signifie général en chef [2].
Les « séraphins aux six ailes » (Is 6/2-6) sont les « brûlants[3] », ceux qui brûlent d’amour pour Dieu et qui ont atteint la perfection spirituelle par l’humilité, l’abnégation de leur volonté propre et de leur intelligence, qui obéissent à Dieu sans comprendre. Ils se voilent la face, parce qu’ils sont tellement proches du Feu divin qu’ils seraient brûlés, car aucune créature ne peut voir Dieu face à face.
Son nom –Raphaël– signifie « force divine de guérison ». Nous le connaissons bien parce qu’un livre entier de l’Ancien Testament lui est consacré, le livre de Tobie[4]. Il raconte l’histoire d’une famille juive déportée en Assyrie (à Ninive), probablement sous Sargon II (722-705 av. J-C) et non pas sous Salmanazar, comme il est dit dans l’introduction. Tobit, le père, fut persécuté parce qu’il enterrait clandestinement les Juifs tués par les Assyriens, puis il devint aveugle, et son fils Tobie ne parvenait pas à s’unir à sa fiancée Sara, à cause d’un démon qui tuait tous ses fiancés avant même leur union charnelle. Dieu envoya alors l’archange Raphaël à leur aide, qui leur apparut sous la forme d’un homme ordinaire, qui les aida à lutter contre le démon et les initia à un exorcisme, puis qui guérit le père de sa cécité. C’est un livre exceptionnel pour la connaissance du monde angélique, et du monde démoniaque (l’autre livre biblique important dans ce domaine est le Livre de Job).
St Raphaël est connu et vénéré pour de nombreux charismes :
– il est d’abord un guérisseur : la tradition dit que c’est lui qui agitait les eaux de Bethesda et les rendaient thérapeutiques pour le premier qui y descendait (là où le Christ a guéri un paralytique -Jn 5/1-15)
– il est un grand exorciste, notamment contre les sortilèges, les envoutements et les filtres d’amour, ainsi qu’un maître en matière d’exorcisme, puisqu’il enseigna à Tobie le rituel permettant de mettre en fuite le démon qui tuait les fiancés de Sara (qui avait une forme de possession)
– il est le protecteur des fiancés, des couples et de tous ceux qui font un chemin amoureux chrétien, ou qui voudraient le faire et n’y arrivent pas, ou qui y rencontrent des difficultés.
– il est le protecteur des voyageurs et des pèlerins car c’est lui qui guida, accompagna et protégea Tobie lors de son long voyage en Médie [Perse actuelle].
Sa mission terrestre nous apporte aussi un grand enseignement théologique :
– Il révèle que c’est Dieu qui l’a envoyé et que c’est Lui qu’il faut remercier[5] : les anges sont les messagers de Dieu pour nous et Ses serviteurs : ils ne font rien par eux-mêmes et sont entièrement dans l’obéissance. Comme Dieu respecte notre liberté, ils la respectent et n’interviennent jamais, si on ne fait pas appel à eux, ou si nos demandes ne sont pas conformes à Dieu. Les démons font l’inverse : ils ne se tiennent pas dans l’obéissance et sont errants (Cf. Job 1/6-7 et la délivrance du démoniaque de Gérgesa, lue dimanche dernier, en Lc 8/31-32), et ils essaient de nous imposer leur volonté, par la tentation : ils font tout pour nous corrompre et nous détruire.
– Il nous révèle que les anges peuvent se manifester sous une apparence humaine, sans être pour cela des hommes véritables (il leur dit, avant de les quitter pour rentrer au Ciel : vous m’avez vu manger, mais ce n’était qu’une apparence). Et ce qui vaut pour les anges vaut aussi pour les démons, qui ont la même nature angélique.
– Il nous révèle que les anges ont le don d’ubiquité (ce qui est normal pour un « esprit »), puisque Dieu l’a envoyé simultanément pour porter secours à Tobit ainsi qu’à Tobie et Sara. Cela vaut aussi pour les démons.
– Il révèle que c’était lui qui portait leurs prières de justes (Tobit, Tobie et Sara) devant le trône de Dieu et qui les lisait.
– Et enfin, Dieu, par la mission qu’Il a dévolue à St Raphaël, nous rappelle que l’union charnelle entre l’homme et la femme est pure et voulue par Lui, représentant l’unité de la nature humaine [dans la distinction des deux personnes, masculine et féminine] et la fécondité (« soyez féconds…remplissez la terre » Ge 1/28). Le combat de St Raphaël contre le démon, qui voulait empêcher l’union charnelle et amoureuse entre Tobie et Sara, nous apprend que les démons ont la haine de cette union, qui est conforme à Dieu, qui est féconde et qui perpétue le genre humain. C’est un des fondements de la théologie orthodoxe sur le mariage.
St Raphaël est fêté en Occident le 24 octobre, mais il n’a pas de fête spécifique en Orient, où il n’est fêté que le 8 novembre avec St Michel, St Gabriel et tous les « archistratèges » [7 sont nommés !], et toutes les puissances incorporelles, fête dont personne ne connaît l’origine historique.
La France rend depuis longtemps un culte à St Raphaël, puisqu’une ville porte son nom, sur la Côte d’Azur.
Notre paroisse a restauré depuis assez longtemps une liturgie en son honneur, dans le cadre du rite des Gaules.
Il faut noter que Tobit ainsi que Tobie et Sara sont considérés comme des saints dans certains calendriers occidentaux et fêtés le 12 septembre[6].
Père Noël TANAZACQ
[1] La numérotation des cercles angéliques part du Trône de Dieu : le 8e cercle, celui des Archanges, se trouve en dessous des « Principautés » et au-dessus des « Anges », ces 3 cercles constituant la 3ème et dernière « hiérarchie » selon St Denys l’Aréopagite (Hiérarchie céleste, IX).
[2] Dans les prières initiales du rite byzantin, et précisément dans celle faite devant l’icône de la Théotokos, l’Archange Gabriel est qualifié d’Archistratège, qui est parfois traduit par « chef des armées célestes » : c’est une erreur, car toute la tradition chrétienne (et auparavant juive) reconnaît en St Michel le chef des Armées célestes. Dans l’Empire byzantin, le véritable chef des armées était l’Empereur chrétien [image du Christ], et il pouvait y avoir plusieurs archistratèges (généraux en chef), un par front. « Archistratège » n’est qu’un grade militaire. Les 7 Séraphins sont tous des archistratèges, mais Michel en est le chef suprême, serviteur de notre Chef éternel, Jésus-Christ.
[3] Le terme hébreu Seraph, signifie « serpent brûlant », qui était une variété de serpents du désert particulièrement dangereux : ils furent envoyés par Dieu contre Son peuple dans le désert pour le châtier de sa révolte contre Lui, et n’en furent sauvés que par la croix que Moïse tenait au-dessus d’eux (qui était en fait un « tau » -lettre grecque T- sur lequel il avait fixé un « serpent brûlant en airain », comme Dieu le lui avait prescrit- Nb 21/1-9), ce qui était évidemment une préfigure du Christ crucifié, qui sauve l’Homme de la mort éternelle. Le serpent, dans toutes les traditions antiques, était le symbole de la sagesse (c’est pour cela, afin mieux tromper Eve, que Satan s’est présenté à elle sous l’apparence d’un serpent. le Christ est le Serpent divin, qui a vaincu l’anti-christ, le serpent diabolique, Satan). Le symbole est fort : les Séraphins ont accédé au 1er rang, parce qu’ils sont porteurs simultanément de la Sagesse du Christ [Serpent] et du feu de l’Esprit [brûlant], par et dans l’humilité, qui est commune au Père, au Fils et à l’Esprit.
[4] Tobie –Tobiyah en hébreu- signifie « le Seigneur est bon ». Tobit est une transcription du grec, tandis queTobie est une transcription du latin. Certains appellent « Tobit » le père, et « Tobie », le fils (d’autres disent Tobie l’Ancien et Tobie le Jeune). Ce livre n’est pas considéré comme canonique par les Juifs, ni par les Protestants, bien qu’on ait retrouvé un original hébreu à Qumran.
[5] Protégeant ainsi les Juifs de rendre un culte à un ange, ce qui aurait été considéré comme du polythéisme et du paganisme.
[6] On les trouve dans les Petits bollandistes, mais pas dans la Vie des Saints des Bénédictins de Paris.