Nous avons tellement l’habitude de dire « l’Ascension » que nous en oublions le contenu. Il s’agit de l’ascension du Christ au-dessus des cercles angéliques jusqu’au trône de Son Père céleste, 40 jours après Sa résurrection de la mort. Ascendere est un terme latin qui signifie monter, s’élever, avec son substantif ascensio. Il est utilisé dans le Ps 83[H.84]/6 pour désigner l’élévation spirituelle, comparée à la montée au Temple par « degrés ». Le terme grec est aussi intéressant, surtout en ce qui concerne la relation Père-Fils : analambanô : prendre en enlevant [dans ses bras, pour un enfant], reprendre, accueillir, avec son substantif analêpsis, qui signifie à la fois recouvrement de quelqu’un, restauration et enlèvement (ascension). Cette fête est la plus mystérieuse de l’année : elle est la moins bien comprise de toutes les fêtes, même chez les Chrétiens, et peu suivie. Et pourtant, elle est très importante, car, sans l’Ascension, il ne pourrait pas y avoir de Pentecôte.
Nous ne pourrons désormais plus voir, entendre ni toucher le Christ ressuscité et nous n’avons pas encore reçu l’Esprit-Saint. Nous devons faire notre deuil de la présence visible du Christ-Dieu. Il nous faut transformer ce deuil en joie, comme les disciples revenant du mont des Oliviers « dans la joie », d’où le Christ s’est élevé, alors que, lorsqu’Il leur avait annoncé Son « départ », après la Sainte Cène, ils avaient été remplis de tristesse (Jn 16/5-6). Il va nous falloir « grandir », c’est-à-dire passer de la religion extérieure à la religion intérieure et, cela, nous ne pouvons pas le faire sans le Saint-Esprit, Dieu en nous. Soulignons quatre aspects importants de cette fête, parmi beaucoup d’autres.
1- Le fait que le Christ élève notre nature humaine ressuscitée -sauvée- et déifiée au-dessus des 9 cercles angéliques, pout l’offrir à Son Père, signifie qu’Il l’a conduite à la perfection spirituelle (« Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ») puisque chaque cercle angélique représente un degré de perfection et de sainteté, de ressemblance à la nature parfaite et « simple » de Dieu. Il est donc bien le Nouvel Adam, qui a accompli parfaitement la volonté de Dieu((Le Christ accomplit simultanément deux grands mystères :
– Il a fait ce que l’ancien Adam n’avait pas voulu faire : Il a porté librement la nature humaine à la
perfection, conformément à la volonté du Père, au dessein de Dieu et est ainsi devenu le Nouvel Adam.
– Il a endossé librement les conséquences de la chute d’Adam et Eve, afin de pouvoir souffrir et mourir pour ressusciter l’Homme et le sauver de la mort éternelle.)). C’est une mystagogie divine.
2- les 9 jours du temps de l’Ascension [le 10ème est la Pentecôte] sont une immense épiclèse de l’humanité, qui supplie le Père, avec le Christ et en Christ, de nous envoyer l’Esprit-Saint (« Et Je prierai le Père et Il vous donnera un autre Paraclet »-Jn14/16 ; « Mais le Paraclet, l’Esprit-Saint que le Père enverra en Mon nom…»-Jn 14/26 ; «Quand sera venu le Paraclet que Je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père… »-Jn 15/26). Enfin, le dessein de Dieu, la volonté bonne du Père, va pouvoir s’accomplir, avec l’accord plein et entier de notre volonté((C’est ce que nous demandons dans le Notre Père : « Que Ton bon vouloir soit fait sur la terre comme au Ciel ».)) (c’est la synergie) : ce sera la déification de l’Homme, et, à travers l’Homme, la transfiguration du cosmos. C’est cela l’amour fou de Dieu pour l’Homme. C’est la Pentecôte, accomplissement de la Pâque, qui rendra ce mystère possible pour tous.
3- L’Ascension est une fête trinitaire, qui nous révèle l’exactitude parfaite des Trois Personnes divines : le Christ a achevé la mission que Son Père Lui avait confiée : s’incarner pour sauver l’Homme. Il va s’effacer pour que le Saint-Esprit puisse accomplir la sienne, qui est de faire de nous des oints, des « christs » et de nous conduire à la déification. Chaque Personne divine a un respect total des deux Autres et de leurs économies respectives, tout en agissant conjointement avec Elles. Le Christ avait dit à Ses disciples, lors de Son « dernier discours » : « il est avantageux pour vous que Je m’en aille, car si Je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous » (Jn 16/7).
4- C’est aussi la fête de l’humilité angélique, magnifiquement exaltée dans les textes byzantins des Vigiles, notamment le Canon des Matines, qui sont un trésor théologique : les anges voient s’élever un homme au-dessus d’eux, ce qui les étonne grandement (« qui est cet homme, qui monte… ? »), mais le Saint-Esprit leur répond : « c’est le fort [Ischiros((Agios Ischiros (Saint Fort, dans le Trisagion. Le Fils incarné, Jésus-Christ, manifeste la puissance de Dieu dans Sa faiblesse humaine.))], le puissant, c’est le Roi de gloire…» (Ps.23[He 24]/8-9). Alors les anges s’écartent et L’applaudissent : ils adorent sans comprendre. Ils font l’inverse de Satan et des démons, qui, ne comprenant pas, refusent et se lèvent contre Dieu.
Au plan liturgique, on ne chante plus le tropaire pascal (« Christ est ressuscité…») et on ne chante pas encore le tropaire de l’Esprit-Saint ( « Roi céleste… ») : on chante le tropaire de l’Ascension (« Tu es monté au Ciel en gloire,… », voir texte joint).
Dans le rite des Gaules restauré, il y a un très beau rite, que nous devons au génie de l’évêque Jean((Eugraph Kovalevsky (1905-1970) devenu Evêque Jean de Saint-Denis (1964-1970), qui restaura l’ancien rite des Gaules et une année liturgique complète, de rite occidental au sein de l’Orthodoxie, entre 1944 et 1960. Ces travaux, bénits initialement par le Patriarche Serge de Moscou (notamment l’ordinaire de la liturgie, terminé de son vivant, en 1944), furent ensuite soigneusement vérifiés par St Jean de Shanghaï et San Francisco, qui était un grand liturge et qui parlait très bien français, et bénits par lui en 1961 (décision confirmée ensuite par le St Synode de l’Eglise Russe Hors-Frontières). C’est lui qui sacra évêque le P. Eugraph en 1964, le co-consécrateur étant l’archevêque roumain Théophile Ionesco.)) : celui de l’extinction solennelle du Cierge pascal (qui symbolise le Christ ressuscité). Aussitôt après l’Evangile, le cierge pascal est porté par deux sous-diacres devant les portes royales : chaque fidèle vient y allumer son cierge personnel, pendant que le chœur chante une partie des magnifiques tropaires et stichères des Matines, entrecoupés du Sanctus post-Evangile du rite des Gaules, chanté par tous. Puis le diacre enlève progressivement les 5 « grains d’encens » (symbolisant les plaies du Christ) et les plante autour de la flamme du cierge, ce qui la rend moins visible, et enfin, il éteint le cierge, qui est ensuite remis sur son piédestal, éteint. Comme nous n’avons pas de cierge pascal dans notre paroisse, nous allons adapter ce rite au Trident pascal, qui en tient lieu.
Père Noël TANAZACQ
Recteur
(1) Le Christ accomplit simultanément deux grands mystères :
– Il a fait ce que l’ancien Adam n’avait pas voulu faire : Il a porté librement la nature humaine à la
perfection, conformément à la volonté du Père, au dessein de Dieu et est ainsi devenu le Nouvel Adam.
– Il a endossé librement les conséquences de la chute d’Adam et Eve, afin de pouvoir souffrir et mourir pour ressusciter l’Homme et le sauver de la mort éternelle.
(2) C’est ce que nous demandons dans le Notre Père : « Que Ton bon vouloir soit fait sur la terre comme au Ciel ».
(3) Agios Ischiros (Saint Fort, dans le Trisagion. Le Fils incarné, Jésus-Christ, manifeste la puissance de Dieu dans Sa faiblesse humaine.
(4) Eugraph Kovalevsky (1905-1970) devenu Evêque Jean de Saint-Denis (1964-1970), qui restaura l’ancien rite des Gaules et une année liturgique complète, de rite occidental au sein de l’Orthodoxie, entre 1944 et 1960. Ces travaux, bénits initialement par le Patriarche Serge de Moscou (notamment l’ordinaire de la liturgie, terminé de son vivant, en 1944), furent ensuite soigneusement vérifiés par St Jean de Shanghaï et San Francisco, qui était un grand liturge et qui parlait très bien français, et bénits par lui en 1961 (décision confirmée ensuite par le St Synode de l’Eglise Russe Hors-Frontières). C’est lui qui sacra évêque le P. Eugraph en 1964, le co-consécrateur étant l’archevêque roumain Théophile Ionesco.
(27 mai 2014 ; corr. et augm. en mai 2015 et en juin 2016)