(Téléchargez la version PDF en cliquant ici)
St Michel est un ange du 1er cercle angélique, c’est-à-dire un Séraphin, l’un des « sept esprits qui se
tiennent devant le trône de Dieu » (Apo 1/4 et 4/5). Le terme d’ « archange » utilisé pour le qualifier (comme pour Gabriel et Raphaël) est un terme générique, indiquant seulement qu’il est un « chef ». On le qualifie aussi d’ « archistratège1 » (Jos 5/14) ce qui signifie général en chef 1.
Les « séraphins aux six ailes » (Is 6/2-6) sont les « brûlants2 », ceux qui brûlent d’amour pour Dieu et qui ont atteint la perfection spirituelle par l’humilité, l’abnégation de leur volonté propre et de leur intelligence, qui obéissent à Dieu sans comprendre. Ils se voilent la face, parce qu’ils sont tellement proches du Feu divin qu’ils seraient brûlés, car aucune créature ne peut voir Dieu face à face.
Son nom -Michaël- signifie « qui est comme Dieu » [semblable à Dieu] : cela signifie qu’il est devenu ressemblant à Dieu par l’humilité3.
La tradition de l’Eglise dit que le Chérubin Satanaël (2ème cercle angélique : celui de la connaissance et de l’intelligence) n’a pas supporté la kénose de Dieu, Son abaissement volontaire pour s’incarner, et qu’il s’est révolté, entraînant avec lui un tiers du monde angélique (Apo 12/4). La tradition orientale dit que St Michel, au moment de cette révolte a dit à l’ensemble des anges : « soyons attentifs » [à nous tenir dans l’obéissance à Dieu]4. C’est pour cela qu’il est considéré par toute la tradition chrétienne comme le chef des armées angéliques.
Il est par excellence l’ange du combat (on le représente toujours avec une épée) et c’est lui qui, à la fin des temps, livrera le combat final contre Satan et ses anges, le vaincra et le précipitera dans « l’étang de feu et de souffre », l’enfer éternel (Apo 12/7-9 et 20/8-10). C’est lui qui mit fin à la seconde guerre mondiale, qui s’acheva le 8 mai 1945, le 8 mai étant la plus importante fête de St Michel en Occident5 (voir ci-dessous) : il remit son épée au fourreau6, signe de paix. Son nom et sa présence sont toujours le signe d’un combat.
St Michel est souvent mentionné dans l’A.T., en tant que « Chef de l’armée du Seigneur », comme par exemple lorsqu’il apparut à Josué devant la forteresse de Jéricho (Jos.5/13-15). Dans le livre de Daniel, il est révélé comme le « chef » d’Israël, c’est-à-dire l’ange d’Israël, celui qui conduit Israël (Dan 10/13-21 et 12/1). La tradition chrétienne voit en lui l’ange de l’Eglise, son protecteur. Elle dit aussi que c’est lui qui roula la pierre du tombeau du Christ, au matin de Pâques7.
Il est aussi apparu plusieurs fois sur la terre depuis 2000 ans, toujours dans des lieux élevés, symboles de son élévation spirituelle, et de la place que Dieu lui a accordée. La plus célèbre de ses apparitions fut au Mont Gargan (au Sud de l’Italie) le 8 mai 492 : c’est l’origine de la fête du 8 mai. Il est apparu en France à St Aubert d’Avranches (3 fois) au tout début du 8ème s. et lui demanda de construire une église en son honneur sur le mont Tombe [Mont St Michel] ce qu’il fit en 709 (dédicace : le 16 octobre). Il est apparu plusieurs fois en Orient, mais son apparition la plus célèbre est certainement celle de Colosses, en Phrygie, à une date inconnue, située par la tradition vers le 2ème s. (fêtée le 6 septembre). Sa plus grande fête en Orient ne lui est pas propre : c’est celle du 8 novembre, appelée « Synaxe des Archistratèges et des autres puissances incorporelles » où l’on nomme en premier St Michel, St Gabriel, St Raphaël et les quatre autres séraphins (On ne trouve nulle part une explication historique sur l’origine de cette fête8).
St Michel est aussi le patron et le protecteur de la France, depuis le 8ème s. Charlemagne a institué la fête officielle de son Empire le 29 septembre, parce que c’était la date anniversaire de la dédicace de l’église du mont Gargan et il fit représenter St Michel sur ses étendards avec l’inscription « St Michel, patron et prince de l’Empire des Gaules ». Cela fut confirmé au 15ème s., lorsque St Michel apparut
à Ste Jeanne d’Arc9 et lui dit : « Je suis Michel, protecteur de la France ». C’est lui qui, avec Ste Catherine d’Alexandrie et Ste Marguerite d’Antioche, la conduisit à la victoire, c’est-à-dire à sauver le
« Royaume très chrétien de France », que Dieu ne voulait pas voir disparaître. Ste Jeanne d’Arc révéla, lors de son procès, que « ses voix » lui parlaient chaque jour, depuis l’âge de13 ans (vers 1425) et jusqu’à la fin (1431), c’est-à-dire pendant 6 ans, ce qui est unique dans l’histoire de l’Eglise. Et c’est le 8 mai 1429 [fête de St Michel] qu’elle délivra Orléans, ce qui fut le début de la reconquête de la France.
St Michel intervint aussi lorsque Dieu envoya des Orthodoxes russes en Occident10 à partir de1920 et qu’Il demanda au jeune Eugraph Kovalevsky (le futur évêque Jean de Saint-Denis) par la bouche de Ste Radegonde de restaurer l’Eglise orthodoxe d’Occident. En 1958, alors que la jeune Eglise française sortait d’un long isolement et que les premiers contacts avec St Jean de San Francisco avaient été pris,
grâce à un ascète russe du Mont Athos, St Michel se manifesta à la cathédrale St Irénée : le 13 mai 1958 [date importante et historique pour la France], la moniale qui vivait dans l’église11 constata que l’icône12 de St Michel suintait une huile parfumée. Cette huile miraculeuse coula pendant un an, de mai 1958 à mai 1959. St Jean, qui avait un commerce facile avec les anges et les saints, fut très sensible à ce signe céleste et il décida alors de tout faire pour obtenir le sacre du P. Eugraph (qui aura lieu en 1964). En action de grâces, le P. Eugraph composa une très belle litanie à St Michel, qui est un chef d’œuvre liturgique : comme les anges sont toujours qualifiés de termes militaires dans la Bible, il utilisa exclusivement ces termes pour magnifier St Michel, mais en les associant à des termes spirituels, dans une très belle antinomie (par exemple : « général de la paix »).
Que St Michel veille sur notre paroisse et sur la France dans ces temps d’épreuves très difficiles et qu’il combatte pour nous !
Père Noël TANAZACQ
(1) dans les prières initiales du rite byzantin, et précisément dans celle faite devant l’icône de la Théotokos, l’Archange Gabriel est qualifié d’Archistratège, qui est parfois traduit par « chef des armées célestes » : c’est une erreur, car toute la tradition chrétienne (et auparavant juive) reconnaît en St Michel le chef des Armées célestes. Dans l’Empire byzantin, le véritable chef des armées était l’Empereur, et il pouvait y avoir plusieurs archistratèges (généraux en chef), un par front. « Archistratège » n’est qu’un grade militaire.
(2) Le terme hébreu Seraph, signifie « serpent brûlant », qui était une variété de serpents du désert particulièrement dangereux : ils furent envoyés par Dieu contre Son peuple dans le désert pour le châtier de sa révolte contre Lui, et n’en furent sauvés que par la croix que Moïse tenait au-dessus d’eux (qui était en fait un « tau » -lettre grecque T- sur lequel il avait fixé un « serpent brûlant en airain », comme Dieu le lui avait prescrit- Nb 21/1-9)), ce qui était évidemment une préfigure du Christ crucifié, qui sauve l’Homme de la mort éternelle. Le serpent, dans toutes les traditions antiques, était le symbole de la sagesse (c’est pour cela, pour mieux tromper Eve, que Satan s’est présenté à elle sous l’apparence d’un serpent. le Christ est le Serpent divin, qui a vaincu l’anti-christ, le serpent diabolique, Satan). Le symbole est fort : les Séraphins ont accédé au 1er rang, parce qu’ils sont porteurs simultanément de la Sagesse du Christ [serpent] et du feu de l’Esprit [brûlant], par et dans l’humilité, qui est commune au Père, au Fils et à l’Esprit.
(3) Cette exégèse me paraît plus théologique et plus positive que celle développée habituellement dans les ouvrages catholiques-romains, qui, selon eux, serait la réponse faite par Michaël à Satanaël [Satan] lorsque ce dernier refusa l’incarnation du Fils de Dieu. D’où le « ? » qu’ils mettent après le nom (« Qui est comme Dieu ? »)
(4) On en trouve un écho dans le Ménologe du Mont Athos (version française) au 8 novembre, fête des « Archistratèges célestes ».
(5) Précisément parce qu’elle était mondiale, et que son champ d’action, en tant que chef des armées célestes, est le monde entier, l’univers. La 1ère guerre mondiale (1914-1918) était en fait plus européenne que mondiale, et touchant surtout la France : c’est St Martin, le plus grand saint de l’Eglise de France et l’un des plus grands évangélisateurs de l’Europe, qui a mis fin à cette « Grande guerre », le 11 novembre, jour de sa fête liturgique.
(6) Lors des nombreuses apparitions de St Michel dans l’Ancien Testament, lorsque Dieu l’envoie combattre ou châtier, il est dit qu’il tient son épée « à main nue » (comme par ex. en Jos. 5/13) ; Et lorsque le Seigneur lui commande de cesser la combat, il est dit « qu’il remet son épée dans le fourreau » (I Chro.21/27).
(7) Dans son cours d’angélologie, professé à l’Institut Saint-Denys de Paris en 1956, l’évêque Jean de Saint-Denis dit que les trois séraphins, dont les noms sont révélés dans la Bible, étaient présents à la Résurrection : Michel qui roule la pierre (Mt28/2-3), Gabriel et Raphaël qui se tiennent dans le tombeau « assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, où gisait le corps de Jésus » (Jn 20/12).
(8) Mais le Ménologe de l’Athos, cité en (4) dit que cette « synaxe » a été instituée en mémoire du « Soyons attentifs » de St Michel qui a rassemblé les anges autour de lui (synaxe= assemblée ou rassemblement) lors de la chute de Satanaël, devenu Satan. Mais à quel moment de l’histoire de l’Eglise et par qui ? Nul ne le sait.
(9) Il lui apparut en premier, et seul. C’est après qu’apparurent les deux grandes vierges martyres, Ste Catherine d’Alexandrie et Ste Marguerite d’Antioche de Pisidie. Jeanne d’Arc fut martyrisée et tuée par le haut clergé catholique-romain français, ce qui explique probablement qu’elle ne sera canonisée par l’Eglise romaine que cinq siècles plus tard (en 1920). Pourtant, tout dans sa vie est saint. Et rien de sa vie ni de ses paroles ne va à l’encontre de la foi orthodoxe. Les deux saintes qui l’accompagnaient quotidiennement, Catherine d’Alexandrie et Marguerite d’Antioche, sont deux grandes saintes orthodoxes. Elle est, comme elles, une sainte vierge martyre (fêtée le 30 mai, jour de son martyre).
(10) En fait toute l’intelligentsia russe, intellectuelle et spirituelle, fut chassée par les Bolchéviques, en l’occurrence Lénine, parce que, à cette époque de guerre civile, ils n’avaient pas les moyens de les anéantir physiquement (même si le « Goulag » fut créé, par Lénine, dès le 15 avril 1919).
(11) Mère Séraphine, russe d’origine, qui avait une cellule au fond de l’église, à l’étage.
(12) C’était un magnifique bois sculpté et peint de Léonide Ouspensky, qui constituera le « clou » de l’exposition qui lui sera consacré au Centre culturel russe de Paris en 2017.
(23-24 sept. 2014 ; corr. mai et nov. 2015, oct.201, et 8 mai 2018)