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– signification et pratique–
Le baptême, jusque vers le 6ème s., concernait essentiellement des adultes, d’où l’importance des exorcismes (dans les rites païens, on communiait aux démons, par le culte rendu aux idoles, les sacrifices sanglants, la magie…) et de la catéchèse (apprentissage et explication du Credo et du Notre Père…). Après 40 jours de préparation intense pendant le Carême, où les catéchumènes suivaient des catéchèses baptismales (élémentaires), ils étaient baptisés et confirmés la nuit de Pâques, revêtus de vêtements blancs (symbole de la pureté retrouvée et du vêtement de lumière paradisiaque), puis communiaient au corps et au sang du Christ. Ils devenaient alors des néophytes (terme grec qui signifie « nouvellement engendré »), de nouveaux chrétiens. Pendant la semaine pascale, ils venaient à l’église tous les jours (car on y célébrait la Pâque quotidiennement : c’était la « semaine des 7 dimanches »), en vêtements blancs, et recevaient des instructions spirituelles plus élevées au cours de catéchèses dites « mystagogiques ((Ce qui signifie à proprement parler « initiatiques ». Elles constituaient un approfondissement théologique et spirituel)) » .
Le 8ème jour, c’est-à-dire le 1er dimanche après Pâque (appelé en Orient « 2ème dimanche de Pâque »), ils revenaient à l’église en vêtements blancs, pour la dernière fois, et, à la fin de la liturgie, l’Eglise les « renvoyait dans le monde » pour y témoigner du Christ ressuscité.
En Occident, il n’y avait pas de rituel particulier, mais ce dimanche était appelé « in albis », c’est-à-dire « dans les vêtements blancs » (Je l’ai vu pratiquer à la cathédrale Saint- Irénée, où l’évêque Jean de Saint-Denis avait restauré tous ces rites antiques : c’était très beau).
En Orient, il y avait un rituel particulier, qui est toujours pratiqué, mais d’une façon incohérente, pour ne pas dire à contre-sens. Les néophytes revenaient aussi en vêtements blancs et, à la fin de la liturgie, l’évêque leur imposait les mains, en disant sur eux une prière dont le sens était clair : l’Eglise les renvoyait dans le monde pour y mener un combat spirituel (combat contre les esprits sous-Ciel, qui règnent dans le monde), qui requérait de se dépouiller des apparences extérieures (retrait du vêtement blanc), afin de pas donner prise à l’ennemi. Puis il aspergeait d’eau le visage et les mains du néophyte et les essuyait.
Les commentateurs byzantins disent que c’était pour essuyer les marques du Saint-Chrême, dans le même esprit que le retrait du vêtement blanc.
En accord avec plusieurs liturgistes, je ne le pense pas. Il faut rappeler que cela se passait 8 jours après le baptême et que, au bout de 8 jours, le Saint-Chrême avait pénétré entièrement dans la peau des néophytes, ce qui était le but, car cette pénétration de l’huile sainte symbolisait la pénétration du Saint-Esprit dans le coeur du fidèle. Et ceci est confirmé par le fait qu’on demandait aux néophytes de ne pas prendre de bain ((Et pourtant les bains étaient une véritable institution dans la société gréco-romaine, avec des installations extrêmement perfectionnées. On était plus propre dans l’Empire romain que chez nous jusqu’au 19ème s. !)) pendant la semaine pascale, pour ne pas effacer le Saint-Chrême. Je pense plutôt que cette « ablution » était un rappel symbolique du baptême ((Il en est de même pour la procession de la litie : tous les soirs de la semaine pascale, à Vêpres, on se rendait en procession au baptistère, pour rappeler aux néophytes d’où ils venaient, de quel abîme le Christ les avait tirés. Et chaque retour de la procession leur rappelait qu’ils étaient entrés dans l’Eglise : c’était une forme de mémorisation. Ensuite cet usage passa dans les vêpres byzantines des dimanches festifs et des fêtes.)), puisque le célébrant disait, et dit toujours : « tu as été baptisé, illuminé, chrismé, sanctifié, lavé … ».
Le problème, c’est que, dans l’usage oriental actuel, on fait les ablutions du 8ème jour à la fin de la liturgie, ou même pire, aussitôt après la chrismation (comme je l’ai vu faire souvent, notamment dans des paroisses russes), c’est-à-dire qu’ on retire le Saint-Chrême aussitôt après en avoir oint le néophyte, ce qui est une absurdité théologique, un contre-sens sacramentel. Mais comme tous les offices sont longs dans le rite byzantin, il y a une certaine obsession de faire tout vite et de regrouper les actes sacramentels (pour gagner du temps) !
Ensuite, après les ablutions, il y avait la « tonsure » : l’évêque coupait 4 petites mèches de cheveux, aux 4 points cardinaux de la tête. La chevelure est un symbole de force et de vitalité (cf. Samson dans la Bible) et aussi un ornement, un signe de beauté : c’était une offrande à Dieu, une forme de consécration à Dieu (comme on la trouve dans les ordinations de clercs mineurs)
Pour toutes les raisons exposées plus haut, je pense qu’il faut demander au néophyte ou aux parents de l’enfant néophyte de revenir à l’église le dimanche qui suit le baptême, en vêtements blancs et avec le cierge du baptême, si possible avec les parrain et marraine, et d’accomplir ces rites à la fin de la liturgie. Si on ne peut pas faire autrement, si le néophyte ou les parents ne peuvent pas revenir le dimanche suivant ou celui qui suit (ce qui est mieux que de faire les ablutions aussitôt après le baptême), il faut faire les ablutions à la fin de la liturgie et surtout bien veiller à ne pas effacer le Saint-Chrême.
Père Noël TANAZACQ
Recteur
(24 juin 2011 ; corr.12-12-12, 18-1-13 et 28-4-15)