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Il peut paraître surprenant que l’Eglise indivise, puis l’Eglise orthodoxe aient conservé pour les enfants qui venaient de naître et pour leur mère des rites qui viennent directement du judaïsme.
Il faut d’abord faire quelques rappels sur ces rites juifs.
Ils sont décrits dans l’Exode (11 et 13), les Nombres (15) et le Lévitique (12) et nous les trouvons tels quels dans la vie du Christ-bébé, et fêtés lors de la « Sainte Rencontre » (2 février), qui est appelée en Occident « Purification de Marie » et « Présentation de l’Enfant-Jésus au Temple ».
Le Saint-Esprit avait prescrit à Moïse deux rites lors de la naissance d’un enfant : le premier-né des mâles devait être consacré au Seigneur ; il était donc présenté au Temple, offert au Seigneur, puis racheté par ses parents (en mémoire de la grâce faite par Dieu aux Hébreux, tandis que Son ange frappait les premiers-nés des Egyptiens). Il s’agissait aussi de rappeler quelle était la vocation initiale d’Eve et de préfigurer le Christ : il est Lui, en effet, le véritable « premier-né », de la nouvelle Eve, Marie. Quant à La femme qui venait d’enfanter, elle était déclarée impure pendant 40 jours ( et 80 jours si c’était une fille, en raison de la responsabilité d’Eve dans la chute) et devait venir offrir un sacrifice au Temple le 40e jour, pour « se purifier de son sang ».
L’Eglise a conservé ces rites, mais en les christianisant, en leur donnant un sens nouveau, parce que le Christ est venu dans le monde, qu’Il a accompli l’ancienne Loi et apporté la nouvelle loi, celle du salut et de la déification.
La présentation de l’enfant au Temple
Il s’agit maintenant de tous les enfants, garçons et filles (et non plus seulement des mâles) et de tous les garçons (et non plus seulement des aînés). Le sens est un peu différent, même si l’ancienne signification n’a pas complètement disparu. La mère et le père viennent présenter à Dieu, dans l’église, leur enfant nouveau-né, d’abord pour Lui en rendre grâce, mais aussi pour reconnaître, confesser que cet enfant qu’il leur a été donné d’engendrer, a été créé par Dieu et qu’il appartient à Dieu ; il n’appartient pas aux parents : Dieu le leur a confié.
Le prêtre vient chercher l’enfant à la porte de l’église, des bras de sa mère, le fait entrer dans l’église, en chantant le Cantique de Siméon (Nunc dimittis) et le conduit jusque devant les portes royales, puis il pénètre dans le sanctuaire avec l’enfant et lui fait faire le tour de l’autel, pour signifier que l’enfant appartient à Dieu et que Dieu est le centre de sa vie. Puis il le dépose à l’entrée du sanctuaire, au milieu des portes royales, par terre (comme une offrande), où la future marraine (ou le futur parrain) le reprend : l’enfant est confié à l’Eglise en vue du baptême (l’enfant n’est pas « rendu » à la mère).
Lorsqu’un rite occidental complet a été restauré dans l’Orthodoxie à partir de 1945, l’évêque Jean (alors P. Eugraph) a pris bien soin de restaurer le rite dans sa plénitude tel qu’il existait dans l’ancienne Eglise des Gaules. Ce rite a toujours existé aussi dans l’Eglise orthodoxe de rite byzantin. Mais il est mal compris et mal célébré. La plupart du temps, il est célébré après le baptême, parce que les prêtres n’osent pas faire entrer dans le sanctuaire un enfant non baptisé. Mais c’est un contre-sens, une attitude cléricale. En effet, ce sacrement n’a aucun rapport direct avec le baptême : l’enfant est considéré ici comme une créature, une créature de Dieu et qui appartient à Dieu. Dans le baptême, qui se célèbre à l’entrée de l’église, car c’est le rite d’entrée dans l’Eglise-corps du Christ, l’enfant est considéré comme une personne : le baptême le sauve de la mort éternelle et lui permet de retrouver la pureté originelle de la nature humaine, la confirmation fait de lui un « christ », un élu du Père céleste, et la communion eucharistique l’initie à la déification.
D’ailleurs les livres liturgiques byzantins indiquent clairement que, dans le rituel ancien, l’enfant n’était pas encore baptisé (les paroles à caractère exorciste sont mises entre parenthèses, avec la mention : à ne dire que si l’enfant n’est pas encore baptisé). De plus on peut se demander quel peut être le sens de présenter à Dieu un enfant qui est déjà baptisé et confirmé ((Dans l‘usage actuel du rite byzantin, la Présentation se fait juste avant la communion)) : il est devenu un enfant de Dieu, un chrétien.
Les relevailles
Elles se passent en deux parties.
Au début, avant la présentation de l’enfant, le prêtre asperge la mère d’eau bénite, en signe de purification.
Puis, après la présentation de l’enfant, il va rechercher la mère à l’entrée de l’église et la fait rentrer dans l’église, la réintègre à la communauté eucharistique, en la prenant par la main avec son étole et en chantant le tropaire de la Sainte Rencontre. Le père de l’enfant suit. Le prêtre la conduit devant les portes royales, où le diacre fait une courte litanie, dans laquelle il est mentionné que « la quarantaine de purification est terminée » et que « le père offre des actions de grâce ».
Le sens est pratiquement le même que dans l’Ancien Testament. La femme qui a engendré fait pénitence, parce que depuis la chute d’Eve, les femmes engendrent dans la douleur et avec perte de sang ((Le sang représente symboliquement l’esprit. La perte de sang représente la perte du Saint-Esprit, la perte de la gloire divine (Adam et Eve ont su qu’ils étaient nus : c’est une nudité spirituelle, ontologique). Dès son 1er accouchement, Eve a eu une perte de sang. Et lorsque ses deux premiers enfants furent grands, l’aîné a tué le cadet : le sang d’Abel a coulé sur la terre. Le Christ a accepté de mourir dans un sacrifice « sanglant », sur la croix, pour racheter ce péché initial de la « perte de sang ». Et Il fait de nous des dieux en nous donnant à boire Son sang eucharistique, parce qu’il nous transmet la vie divine (le sang, c’est la vie).)), et surtout parce qu’elles engendrent des enfants pour la mort, et non pour la vie : tous en effet sont destinés à mourir. Et cela est contraire à la volonté divine : Dieu- Père en effet avait appelé Eve à être mère de Son Fils selon la chair, mère de Dieu ; Eve devait engendrer un homme exclusivement pour la vie. Mais elle a écouté le serpent et trahi l’amour de Dieu, ce qui est un adultère spirituel.
Marie a accompli ce que Eve n’avait pas pu faire. Mais nous sommes toujours sous la loi de la nature déchue, nous sommes tous condamnés à mourir : Dieu n’est pas encore tout en tous.
C’est pour cette raison que, normalement, dans la tradition chrétienne, les femmes qui viennent d’accoucher ne viennent pas à l’église pendant 40 jours et ne communient pas. Au bout de cette « quarantaine de purification », elles sont réintégrées à la communauté eucharistique.
Père Noël TANAZACQ
(13 décembre 2013 ; corr. 4 juin 2014)